Artiste immensément populaire de l’après-guerre, Patachou a pourtant commencé par un modeste salon de thé à Montmartre. Celui-ci est devenu l’un des cabarets les plus prisés de Paris, tandis que la carrière de la légende de la chanson française dépassait les frontières et s’étendait à l’international. Petit retour sur une vie mouvementée.
Chez Patachou, un cabaret au cœur de Montmartre
Avant d’être une artiste renommée, Patachou était une entrepreneuse et une touche-à-tout. Dactylo avant la guerre, elle travaille ensuite dans une usine d’armement, puis vend chaussures et antiquités après la libération, avant de se fixer sur la pâtisserie.
Connaissant un certain succès en la matière, elle a d’abord ouvert au cœur de Montmartre un salon de thé, qui devient par la suite un restaurant, avec son mari. Le nom de cet établissement ? « Chez Patachou », bien sûr… Poussée par l’envie de donner à son restaurant une atmosphère à la fois festive et conviviale, celle qui s’appelait encore Henriette Ragon engage d’abord des musiciens pour accompagner en musique le repas des clients. Mais ces derniers n’ont pas tout vu (ou plutôt tout entendu), car bientôt, c’est la patronne elle-même qui donne de la voix. Enthousiasmés par ce qu’ils entendent, les clients se pressent toujours plus nombreux, rapidement accompagnés par des journalistes qui poussent encore plus la popularité du lieu. La carrière de Patachou est lancée.
Après avoir été un salon de thé puis un restaurant, « Chez Patachou » devient un cabaret pour offrir à Henriette une scène plus digne de ses talents. Des talents qui justifient presque à eux seuls le succès grandissant des lieux, qui deviennent un des établissements les plus prisés de Montmartre. Cette popularité finit par ailleurs par attirer de grands noms à commencer par Jacques Brel ou encore Georges Brassens.
Certains des plus grands titres de ce dernier, comme « Brave Margot » ou « Les amoureux des bancs publics », ont d’ailleurs initialement été écrits pour elles, et c’est elle qui les a d’abord chantés. La carrière de Brassens commencera réellement le jour où Patachou le conviera à chanter lui-même ses chansons dans le cabaret. Plus tard, de nombreux grands noms de la chanson française se produiront sur cette scène du cœur de Montmartre, comme Édith Piaf ou Charles Aznavour.
L’immense carrière de Patachou
La carrière de Patachou, quant à elle, commence au début des années 1950, dès la sortie de ses premiers disques. C’est presque immédiatement un immense succès et elle commence une tournée dans toute la France, avant que les frontières de l’Hexagone ne lui paraissent un peu trop étroites. En 1953, c’est tout le monde occidental qui a la chance de découvrir son talent : sa tournée mondiale l’amène ainsi à Londres, New York, Montréal, ou encore Hong Kong. Dotée d’une voix splendide, son autre atout réside dans sa gouaille. Dotée d’un vocabulaire argotier, et n’ayant pas peur de parler de ce que l’on appelait encore La chose, son franc-parler et la qualité d’écriture de ses textes expliquent également pour une large part sa renommée. Son succès peut en effet être mesuré à l’aune de ses collaborations : au long de sa carrière, elle a travaillé avec Georges Brassens, Boris Vian, Guy Béart, Léo Ferré, ou encore Charles Aznavour.
Si le succès du cabaret finit par se tarir dans les années 1970, on ne peut en dire autant de Patachou elle-même, dont la carrière de chanteuse a depuis longtemps dépassé les frontières de Montmartre. Son talent n’est d’ailleurs pas limité à sa voix, et déborde sur d’autres scènes. Moins connue, elle a tout de même au fil des années construit une solide carrière d’actrice, à la fois au théâtre, au cinéma, ou encore sur le petit écran.
Après une vie remplie et une carrière qui semblait interminable, Henriette Ragon, « Patachou », s’éteint en 2015, à l’âge de 96 ans.